Quel dictionnaire choisir? Sur le Petit Robert
Article rédigé par Sylvie Plante, enseignante de français et coresponsable du dossier de la valorisation
Il existe de multiples dictionnaires et leurs objectifs répondent différemment aux besoins des scripteurs. Cet article est le premier d’une série qui portera respectivement sur le Petit Robert, le Larousse, le Multidictionnaire de la langue française, Usito et Antidote.
Le Petit Robert
Tous les dictionnaires renvoient implicitement ou explicitement à une norme. C’est leur «langue de référence». Ainsi, le Petit Robert est un ouvrage très réputé dont la nomenclature reflète d’abord et avant tout la réalité linguistique de la France, bien qu’elle incorpore de plus en plus de régionalismes de divers pays francophones. C’est un livre que l’on consultera pour ses définitions concises.
Prenons un exemple à partir de l’entrée liberté ci-dessous.
- Les acceptions sont regroupées par «sens apparentés ou de formes semblables», comme il est possible de le voir par les chiffres romains sur fond rouge
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- Les sous-acceptions sont numérotées par ordre chronologique, généralement du sens le plus ancien au plus moderne, ce que l’on peut voir par les chiffres arabes sur fond blanc.
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- Comme les définitions sont nombreuses pour un même mot, lorsque nous cherchons le sens d’un vocable dans le dictionnaire, il faut prêter une grande attention au contexte dans lequel le terme dont nous désirons connaitre la définition se trouve.
Le Petit Robert est aussi un excellent ouvrage pour valider la construction de groupes verbaux. Par exemple, on y apprend que le verbe débuter est généralement intransitif : il ne peut se construire avec un complément du verbe. Employer débuter avec un complément, comme dans la phrase : « Il débute son cours à 8 heures» serait donc un emploi critiqué selon ce dictionnaire, si on se fie à la note ◆ TRANS. (emploi critiqué) Commencer (qqch.). « Il débute son speech. »
«Mais le mot est dans le dictionnaire!»
Finalement, le Petit Robert comporte aussi des marques d’usage pour indiquer au scripteur dans quel contexte un mot peut être employé. Bien qu’on entende souvent les étudiants s’exclamer : «Mais le mot est dans le dictionnaire!», ce n’est pas une raison pour s’en servir dans toutes les situations… Ainsi, il ne viendrait à l’idée de personne d’appeler un policier un «flic» et encore moins un «poulet» lors d’un entretien avec lui! Ces mots sont trop familiers voire irrespectueux pour le contexte. En fait, les marques d’usage du Petit Robert sont : LITT. (pour littéraire), ARG. (pour argotique), POP. (pour populaire), FAM. (pour familier) VULG. (pour vulgaire) et PÉJ. (pour péjoratif, injurieux).
Voici un exemple de marque d’usage :
Je tiens à remercier mesdames Isabelle Pontbriand et Mireille Kouamou de m’avoir aidée pour la mise nen page de cet article.
Sources consultées pour rédiger cet article :
Julie Rinfret, chargée de cours, UQAM (LIN-2617), 2016.
Petit Robert en ligne disponible sur le site de la bibliothèque du Collège Lionel-Groulx.
Très intéressant! Que devrions-nous dire alors, si le verbe débuter ne peut être utilisé avec un complément du verbe?
Le Multi suggère ceci: «Dans une phrase comportant un complément direct, on pourra employer les verbes amorcer, commence, ébaucher, engager, entamer, entreprendre, lancer, mettre en marche...»
Merci!!
Merci beaucoup!
Angèle Boulay, travailleuse sociale
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J’ai trouvé cet article très intéressant et instructif! Merci. MC
«Mais le mot est dans le dictionnaire!» En effet, c’est agaçant, surtout lorsqu’il s’agit d’anglicismes ou de barbarismes. Le Petit Robert, comme d’autres, incluent quand même le mot en mentionnant dans la description qu’il s’agit d’un usage incorrect en français. Mais le commun des mortels ne lit pas plus loin que le mot lui-même, alors ça devient automatiquement bon! N’est-ce pas une erreur, en quelque sorte? Je ne sais pas.
Je dirais que c’est une erreur de ne pas lire l’article au complet : ) et de ne pas faire attention au registre de langue quand on écrit ou quand on parle. La marque d’usage dans les dictionnaires est donc importante. Elle est une sorte de jugement de valeur sur l’usage de certains mots dans certains contextes. Il faut donc tenir compte de la situation de communication pour bien choisir ses mots. Comme disait une linguiste, Anne-Marie Beaudoin-Bégin, on ne va pas à la plage en habit et on ne se présente pas en entrevue en maillot de bain! C’est la même chose pour les mots et les situations de communication! Ainsi, écrire «garrocher» dans un travail scolaire n’est pas acceptable, même si c’est un mot employé fréquemment chez nous et qui est répertorié dans le Petit Robert, le Multi et le Larousse! S.P.
C’est vrai, Sylvie. L’exemple que tu donnes est excellent. Je voulais surtout être un peu gratuitement subversive, mais le fait est que je saisis bien la nuance que tu fais et qui est très à propos.
Je continue de réfléchir à partir de tes articles et la réflexion suivante m’est venue: qu’advient-il de toutes ces «ethnies» qui arrivent au Québec et qui comme moi doivent apprendre le français sur le tard? À 9, 10 14 ou 16 ans? J’ai appris d’abord et avant tout ce que j’entendais. Ici, le langage familier est très fort. Même à la radio, et parfois à la télévision, le niveau de langage n’est pas soutenu. Plusieurs choses se disent ici et ne se disent pas dans d’autres pays francophones. L’usage ne doit-il pas (tout comme pour ognon) déterminer le meilleur usage?
Bon ok, je me fais un brin provocatrice. Mais je suis une amoureuse de ma langue d’adoption. Que mon ironie ne trompe personne!
J’ai hâte de lire ton article sur le Multi-dictionnaire, car comme qui dirait, j’ai un feeling qu’il va être plus tolérant! hi hi!
Voici mon opinion personnelle qui n’engage que moi. Je dirais aux nouveaux immigrants que notre propension, nous, Québécois, à adopter le registre familier rapidement voire immédiatement ne reflète que notre générosité, notre désir de les accueillir, notre authenticité, notre gentillesse, sans oublier que notre rapport à la langue fait partie intégrante de notre histoire nationale. Selon moi, adopter le registre familier ne reflète pas notre inculture. Les Québécois évoluent dans une société plus jeune que celle de la France et chez nous l’élitisme intellectuel ostentatoire, qui passe souvent par une façon de s’exprimer outrecuidante, n’est pas bien vu. Même si j’adore écouter Mathieu Bock-Côté, qui à chaque fois m’émerveille par son éloquence, il ne représente pas la norme du parler courant. À preuve, je cite en exemple la façon dont parlent les professeurs à l’Université (tous docteurs ou postdocteurs). À les écouter, on se rend compte qu’on ne peut pas forcer l’usage. Nous parlons une variante du français, cette variante est québécoise, comme il existe des variantes belge, suisse, sénégalaise, togolaise, etc. du français
Par ailleurs, je ne peux passer sous silence le fait que tous les locuteurs instruits savent s’exprimer dans un registre standard ou soutenu. On ne l’ignore pas, on est simplement plus à l’aise dans le familier.
Vous écrivez : plusieurs choses se disent ici et ne se disent pas dans d’autres pays francophones. Cela est vrai ici comme ailleurs. J’ai appris qu’en France une angine est un gros rhume tandis qu’ici, c’est un problème cardiaque. Aussi, en France, des souliers, c’est des chaussures moches tandis que nous ne faisons pas la différence entre chaussures et souliers… On n’emploie pas non plus escarpin; on préfère souliers à talons hauts.
Enfin, oui, vous avez raison : l’usage détermine déjà le meilleur usage : c’est, la plupart du temps, le registre familier que les Québécois adoptent, mais ils sont capables de changer de registre quand la situation de communication les y pousse! Hein, ma chum? S.P.
Aouach! J’en ai pris pour mon rhume! Mais mon commentaire ne se voulait pas une critique des Québécois, mais du fait que je me fiais plus à ceux avec qui je vivais qu’au dictionnaire pour apprendre. C’est que j’ai un rapport affectif plus grand avec les gens qu’avec les pages du Robert ce qui favorise grandement l’apprentissage de la langue. Chose certaine, je ne voulais pas insulter les Québécois dont j’aime la culture au point d’avoir voulu participer avec eux à la préservation de leur patrimoine, de leur culture, de leur langue et de leur identité en votant OUi en 95. Ne m’imputez pas des jugements de valeur que je n’ai pas. Mais j’aime notre discussion car ce qu’elle fait ressortir c’est que notre amour de la langue donne de la fougue et de la passion à notre verve. Et les mots sans la parole et le ton qui les ponctuent sont traitres car ils sont interprétés à partir de nos états d’esprit au moment où nous les lisons. Bon, on va prendre un verre pour faire la paix? My
Échanges fort intéressants et instructifs. Belle pointe d’humour aussi dans le choix de l’image de l’article. 😉 J’ai effectivement hâte de lire la suite de la série.